Identités possibles : sur les notifications

On pour­rait sans doute par­ler de “présence numérique” ou “d’i­den­tité numérique” ; d’autres l’ont fait beau­coup mieux que moi. En choi­sis­sant plutôt “iden­tités pos­si­bles”, j’aimerais attir­er l’at­ten­tion sur un phénomène curieux, qui ne nous étonne sans doute plus main­tenant : com­ment le monde nous arrive de loin et com­ment on se tra­verse mutuelle­ment, pro­vi­soire­ment.

Une noti­fi­ca­tion inhab­ituelle (“like” d’un nou­veau venu, “telle per­son­ne vous a ajouté à la liste X” sur twit­ter, un vieux com­men­taire “liké”) met en sit­u­a­tion d’enquête, au sens prag­ma­tiste : qui ? pourquoi ? que perçoit-on de moi ? On (mais qui est “on” ?) fait ici l’ex­péri­ence d’une recherche des cadres d’in­ter­pré­ta­tion : quels sont les élé­ments con­textuels suff­isants pour me per­me­t­tre de com­pren­dre pourquoi j’ai reçu cette noti­fi­ca­tion ?

C’est aus­si une expéri­ence des pos­si­bles (“occa­sion de faire sens”) : moment sus­pendu, très curieux, où je vois lit­térale­ment, matérielle­ment sus­pendues, des lignes iden­ti­taires par­al­lèles, super­posées, celles qu’on me pro­pose implicite­ment, que je n’ai pas voulu suiv­re, que je peux repren­dre, qu’on me tend avec légèreté, naïveté ou incon­séquence, comme s’il ne s’agis­sait que d’un éti­que­tage : des mon­des pos­si­bles aux­quels je peux répon­dre ou que je peux suiv­re un moment, avant de les aban­don­ner, à moins d’être encour­agé un moment, suff­isam­ment pour en explor­er l’hori­zon, pour regarder dehors, revenir, rebrouss­er chemin, repar­tir ; mais ce ne sont pas nos pieds qui déci­dent : l’i­den­tité est un raboutage autonome et con­tinu de textes et de pos­si­bles.